- aumône
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1 ♦ Don charitable fait aux pauvres. ⇒ bienfait, charité, 1. don, obole. Recueillir des aumônes (⇒ 1. quête) . La misère l'a réduit à vivre d'aumône (cf. Faire la manche). Demander l'aumône. ⇒ charité; mendier, 1. tendre (la main). Faire l'aumône à un mendiant. « Donnez, riches ! L'aumône est sœur de la prière » (Hugo). « L'aumône avilit également celui qui la reçoit et celui qui la fait » (France). Je ne vous demande pas l'aumône : c'est mon dû.2 ♦ Fig. Faveur sollicitée humblement ou accordée par grâce. ⇒ grâce. Accordez-lui l'aumône d'un regard.Synonymes :- charité- obole- secoursFaire, accorder à quelqu'un l'aumône de quelque choseSynonymes :- faveur- grâceaumônen. f.d1./d Ce qu'on donne aux pauvres par charité. Vivre d'aumônes. Faire, demander l'aumône. Syn. obole.— (Asie du S.-E.) Bol d'aumône: V. bonze.— ISLAM Aumône légale: obligation, pour tout musulman, de donner aux indigents une part de ses biens, qui constitue l'un des cinq piliers de l'islam. Syn. achour, zakat.d2./d (Afr. subsah.) Don fait pour s'attirer la faveur divine.— Spécial. Menus dons (biscuits, bougies, notam.) faits à ceux qui assistent à des funérailles ou à une cérémonie religieuse pour un défunt. Pensez aux biscuits pour l'aumône après la messe.d3./d Fig. Faveur parcimonieuse. L'aumône d'un sourire.⇒AUMÔNE, subst. fém.A.— Don matériel ou en espèces fait aux pauvres par charité. Distribuer des aumônes; donner l'aumône, en aumône, par aumône; être à l'aumône, vivre d'aumônes :• 1. C'est une vérité incontestable qu'il y a en France sept millions d'hommes qui demandent l'aumône, et douze millions hors d'état de la leur faire.CHAMFORT, Maximes et pensées, 1794, p. 79.— Dérober l'aumône aux pauvres. Demander une aide financière alors qu'on pourrait éviter de le faire.Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe siècle.— Emplois partic.1. Action de donner des aumônes :• 2. L'aumône était considérée [par les chrétiens] comme un devoir strict.E. RENAN, Hist. des orig. du Christianisme, Marc-Aurèle et la fin du monde antique, 1881, p. 600.2. Rare. Qualité d'une personne généreuse en aumônes :• 3. Eudes, saint évêque dont la charité inépuisable et l'aumône forment les traits principaux, avait ce qu'on appelle le don des larmes : ...SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 43.3. [L'aumône personnifiée] :• 4. La commisération, devant ce haillon humain, devait frissonner de dégoût, et l'aumône lui jetait son obole en détournant la tête.T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 364.B.— P. ext.1. Toute forme d'aide accordée à une personne, parfois à une collectivité, à un animal ou à un inanimé personnifié, par une personne, une collectivité ou un inanimé personnifié :• 5. ... la bonne femme le suit des yeux une minute, puis elle laisse tomber, en retournant à son feu, cette sublime aumône du pauvre : que Dieu le protège!MUSSET, Fantasio, 1834, I, 2, p. 195.• 6. Dons, offrandes, aumônes n'ont cessé, des siècles durant, de prendre le chemin de la Terre-Sainte.WEILL, Le Judaïsme, 1931, p. 55.2. Au fig. Faveur accordée par charité ou par commisération à une personne, une collectivité, parfois un animal ou un inanimé personnifié, par une personne, une collectivité ou un inanimé personnifié :• 7. ... mais souvent le maniaque, (...), se fourrait au lit sans faire à sa fille l'aumône d'un sourire ou d'un mot.GIDE, Les Caves du Vatican, 1914, p. 758.C.— Spéc., dans différents domaines techn.1. BÂT., vx. ,,Maison religieuse, hôpital`` (GUÉRIN 1892) :• 8. L'avocat demanda (...) que le duc de Bourgogne fût contraint de payer un million d'or, (...) pour fonder des hôpitaux, colléges de religieux, chapelles, aumônes et autres œuvres de piété pour le salut de l'âme du défunt, ...BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 3, 1824, p. 86.2. DR. ANC. Amende infligée à un accusé pour certains crimes ou certains délits, et attribuée le plus souvent aux hôpitaux ou aux prisons.Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe siècle.3. HIST. Sous l'Ancien Régime, donation ayant généralement la forme d'une terre ou d'une rente, accordée par un seigneur à l'Église; p. ext., biens d'Église :• 9. Notons seulement avec Racine, en son élégant Abrégé, que l'ancien Port-Royal eut pour bienfaiteur tout spécial Saint Louis, qui donna aux religieuses, sur son domaine, une rente en forme d'aumône dont elles jouirent jusque dans le dix-septième siècle.SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 49.SYNT. Aumône fieffée. Donation faite par le roi. Aumône franche ou pure. Bien exempt de toute obligation matérielle (charges, redevances) vis-à-vis du seigneur.4. RELIGIONa) Chrétienne— Grâce accordée par Dieu :• 10. Des cœurs aimants, ô Ravisseur,Tout ce que j'ai je vous le donneÀ Vous qui n'êtes que douceur.Mon Don, c'est encor votre aumône,Mais la voici toute, Seigneur.F. JAMMES, De tout temps à jamais, 1893-1938, p. 150.Rem. Attesté ds Lar. 19e-Lar. encyclop.— Argent que reçoit un prêtre pour l'accomplissement de sa charge :• 11. Le métier de prêtre ou de papas est assez lucratif, sans être trop pénible, et la plupart des prêtres grecs élèvent confortablement leur petite famille. Si l'autel ne rend pas assez, si la récolte d'aumônes est mauvaise, le papas trouve d'autres ressources dans l'agriculture ou le commerce.ABOUT, La Grèce contemp., 1854, p. 270.b) Musulmane. Aumône légale. Obligation imposée aux Musulmans de partager leurs biens suivant des conditions bien précises :• 12. Aussi voit-on, dans de nombreux Hadîth (traditions), que Mahomet définit l'Islam comme étant la profession de foi (il n'y a d'autre Dieu qu'Allah et Mahomet est son Prophète ...), et le respect des ordres divins représentés par les obligations fondamentales, les cinq prières quotidiennes, le jeûne de Ramadan, le pèlerinage à la Mecque, l'aumône légale, à quoi s'ajoute parfois la guerre sainte.Philos., Relig., 1957, p. 5205.Rem. On rencontre dans la docum. le néol. aumônage, subst. masc. (LA VARENDE, La Sorcière, 1954, p. 69; suff. -age). Action de demander l'aumône.PRONONC. ET ORTH. :[omo:n] ou [
-]. DUB. transcrit [o] fermé, Pt Lar. 1968 [
] ouvert. Harrap's 1963, Pt ROB. et WARN. 1968 donnent les deux possibilités de prononc. (à ce sujet, cf. augmenter). PASSY 1914 et BARBEAU-RODHE 1930 notent [
] fermé mi-long pour la 1re syll., mais admettent [o:] fermé long ou [
] ouvert pour la 2e syll. :
. GRAMMONT Prononc. 1958, p. 23, écrit : ,,Il convient (...) d'examiner tout seul le mot aumône, dont les deux o réagissent de telle sorte l'un sur l'autre que l'on rencontre pour chacun toutes les prononciations possibles; on trouve ómón avec les deux o fermés et le deuxième long, ómòn avec les deux o brefs, mais le premier fermé et le second ouvert, òmòn avec les deux o ouverts et le deuxième long; dans cette dernière prononciation, qui n'est pas la plus rare, le timbre ouvert du premier o est dû à une harmonisation avec l'o accentué, qui l'a fait déroger à la règle générale.`` Pour l'hésitation entre [o] et [
] à la 2e syll., cf. aussi NYROP Phonét. 1951, p. 171, § 237 et V. BUBEN 1935, p. 42, § 27. Les dict. hist. notent [o] fermé à la 1re et à la 2e syll. Le mot est écrit sans accent circonflexe ds Hugo (Les Chansons des rues et des bois, 1865, p. 212).
ÉTYMOL. ET HIST. — 1re moitié Xe s. « don charitable fait aux pauvres » (Fragm. de Valenc., v°, 1. 30 ds GDF. Compl. : Faites vost almosnes); 1172-75 « acte de charité » (CHR. DE TROYES, Chevalier Charrette, éd. W. Foerster, 2827 ds T.-L. : Ja ne feras pechié ne mal, Einçois sera aumosne et biens).Du lat. chrét. elemosina (empr. au gr. eccl.) « don charitable » (TERTULLIEN, Idol., 22, p. 55, 24 ds TLL s.v., 351, 52); « acte, œuvre de charité » (ID., Bapt. 18, p. 215, 24, ibid., 350, 84); l'e initial est ouvert en a- au contact du l implosif suivant (FOUCHÉ p. 446).
STAT. — Fréq. abs. littér. :795. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 420, b) 1 476; XXe s. : a) 1 526, b) 459.BBG. — Archéol. chrét. 1924. — BACH.-DEZ. 1882. — BARR. Suppl. 1967. — Bible 1912. — BOUILLET 1859. — CAP. 1936. — COHEN 1946, p. 14. — DARM. Vie 1932; p. 50. — DHEILLY 1964. — DUPIN-LAB. 1846. — Foi t. 1 1968. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 4. — GOUG. Mots t. 1 1962, p. 191. — LACR. 1963. — LEP. 1948. — LE ROUX 1752. — MARCEL 1938. — POPE 1961 [1952], § 380, 593. — ST-EDME t. 2 1825. — Théol. bibl. 1970. — Théol. cath. t. 1, 2 1909.aumône [omon] n. f.ÉTYM. 1175, aumosne; déb. Xe, almosne; du lat. pop. alemosina, du lat. ecclés. d'orig. grecque elemosyna.❖1 Don charitable fait aux pauvres, prescrit par une religion; action de donner aux pauvres. ⇒ Assistance, bienfait, charité, 1. don, faveur, libéralité, obole, offrande, secours. || Donner, recevoir une aumône, des aumônes. — ☑ Loc. Vivre d'aumône, d'aumônes : mendier. || La misère l'a réduit à vivre d'aumône. || Les bégards du moyen âge vivaient d'aumônes. ☑ Demander l'aumône (à qqn). || Tendre la main pour demander l'aumône. — ☑ Donner l'aumône à qqn; donner qqch. en aumône à qqn. ⇒ Aumôner (3.). ☑ Faire l'aumône à un mendiant. ⇒ Donner. || Faire l'aumône à un pauvre, à un indigent pour le secourir, soulager sa misère. || Les dames de charité ont recueilli des aumônes pour les malheureux. ⇒ Quête; quêter. || Tronc des aumônes. || L'élémosinaire était chargé de la distribution des aumônes. ⇒ Aumônerie (1.), 1. aumônier. || Accepter, recevoir, refuser une aumône. — L'aumône de qqch., qui consiste en qqch. — L'aumône de qqn, qu'il ou elle fait. || Ses aumônes aux pauvres.1 Fais l'aumône de ton bien, et ne détourne point ton visage d'aucun pauvre; car il arrivera ainsi que le visage de Dieu ne se détournera point de toi. De la manière que tu le pourras, sois miséricordieux. Si tu as beaucoup de bien, donne largement; si tu en as peu, aie soin de partager ce peu de bon cœur. Tu t'amasseras ainsi un grand trésor pour le jour du besoin. Car l'aumône délivre de tout péché et de la mort, et elle ne laissera point l'âme descendre dans les ténèbres. L'aumône sera, pour tous ceux qui l'auront faite, un grand sujet de confiance devant le Dieu souverain.Bible (Crampon), Tobie, IV, 7-12.2 Quand donc tu fais l'aumône, ne fais pas sonner de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues (…) quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit dans le secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.Bible, Évangile selon saint Matthieu, VI, 2-3.3 C'est la vraie grâce de l'aumône, en soulageant les besoins des pauvres, de diminuer en nous d'autres besoins (…)Bossuet, Oraison funèbre d'Anne de Gonzague.4 Le rude hiver des années dernières acheva de la dépouiller de ce qui lui restait de superflu (…) et l'aumône lui apprenait à se retrancher tous les jours quelque chose de nouveau (…)Bossuet, Oraison funèbre d'Anne de Gonzague.5 Que de pauvres (…) ont subsisté, pendant tout le cours de sa vie, par l'immense profusion de ses aumônes !Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre.6 Leur destinée est de vivre misérablement d'aumônes conventuelles et de coucher au coin d'une place ou sous le portique de quelque église (…)G.-T. Raynal, Hist. philosophique, VII, 10.7 Un gueux des environs de Madrid demandait noblement l'aumône; un passant lui dit : « N'êtes-vous pas honteux de faire ce métier infâme quand vous pouvez travailler ? — Monsieur, répondit le mendiant, je vous demande de l'argent et non pas des conseils. »Voltaire, Dict. philosophique, Amour-propre.8 (…) ressembler à ces mendiants qui appellent les passants monseigneur, et qui les maudissent s'ils n'en reçoivent point d'aumône (…)Voltaire, le Siècle de Louis XIV, Écrivain Maynard.9 Ne faites pas seulement l'aumône, faites la charité; les œuvres de miséricorde soulagent plus de maux que l'argent (…)Rousseau, Émile, II.10 L'aumône est une action d'homme qui connaît la valeur de ce qu'il donne, et le besoin que son semblable en a.Rousseau, Émile, II.11 Le prélat garde ces aumônes pour en assister les veuves, les orphelins (…)Chateaubriand, le Génie du christianisme, I, 1, 8.12 Donnez, riches ! L'aumône est sœur de la prière.Hugo, Feuillets d'automne, XXXII.13 (…) ils tendaient leurs mains, leurs sébiles, leurs chapeaux, pour recevoir des aumônes (…)Loti, Pêcheur d'Islande, IV, 6.14 Je viens de faire l'aumône. En donnant deux sous, j'ai goûté la joie honteuse d'humilier mon semblable (…)Je me suis humilié en l'humiliant. Car l'aumône avilit également celui qui la reçoit et celui qui la fait.France, M. Bergeret à Paris, p. 440.14.1 Mais les gens qui font l'aumône n'aiment pas beaucoup la jeter, ce geste a quelque chose de méprisant qui répugne aux sensibles. Sans compter qu'ils doivent viser.S. Beckett, Nouvelles, p. 98.♦ Par ext. Le fait de recevoir habituellement des aumônes. || La misère l'a réduit à l'aumône.♦ Par compar. ou fig. Faveur sollicitée humblement ou accordée par grâce. ⇒ Grâce. || Demander, mendier, quêter, solliciter qqch. comme une aumône. || Faites-moi, accordez-moi l'aumône d'un regard.15 Cette façon de demander harmonieusement l'aumône commence, si je ne me trompe, à Pindare; on ne peut tendre la main plus emphatiquement (…)Voltaire, Dict. philosophique, Flatterie.♦ Don fait de manière méprisante ou insuffisante. || Nous demandons notre dû, pas une aumône. || Les syndicats ont refusé l'aumône proposée par la direction.2 Vx. Hospice religieux. ⇒ Aumônerie (1.).3 Hist. Donation faite par un seigneur à l'Église. — Par ext. Ensemble des biens de l'Église.❖DÉR. Aumôner, aumônière, aumônieux.HOM. Formes du v. aumôner.
Encyclopédie Universelle. 2012.